Lire l'article en .pdf
mines et carrières 196 - octobre 2012
Le groupe Exploitation souterraine est le dernier arrivé au sein de la section Exploitation de la Société de l’industrie minérale (Sim). Ses membres, de plus en plus nombreux, ont recensé les formations dispensées et les professionnels intervenants en souterrain. Ils aborderont bientôt les enseignements à apporter à ceux qui se destinent aux travaux souterrains, s’intéresseront lobbying et aux feront des recommandations techniques. Des visites techniques, comme celle du tunnel de Fréjus, ont déjà eu lieu.
Depuis avril 2011, la section Exploitation de la Sim s’est dotée d’un groupe de réflexion sur les exploitations souterraines. Pour en illustrer le besoin, deux chiffres témoignent de l’intérêt porté à ce domaine d’activité : plus de 40 personnes ont rejoint Thierry Meilland-Rey, directeur des carrières cimentières du groupe Vicat, et initiateur de ce groupe ; et la recherche menée depuis plus d’un an. Elle a permis d’identifier 47 exploitations souterraines en France métropolitaine, qu’elles soient sous le régime minier ou bien ICPE.
Si la France a été une référence dans le passé, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les experts mineurs et géologues ont disparu, pour la plupart, avec les fermetures des exploitations des grands groupes miniers tels que Charbonnage de France, les mines de fer ou de sel.
Ces disparitions ont eu de multiples conséquences tant sur le plan du maintien de l’enseignement des techniques minières que sur le renouvellement des compétences des opérateurs ou des administrations.
Faire vivre une profession
Ce groupe de réflexion est riche de la diversité de ses membres. Il rassemble des représentants de l’administration, des ministères de tutelle, des exploitants, des écoles des Mines et de géologie, des fournisseurs de matériels, des bureaux d’études et, depuis peu, de l’Association française des tunnels et de l’espace souterrain (Aftes). Il s’est donné pour objectif, dans un premier temps, de recenser les exploitations, les formations, les fournisseurs, les bureaux d’études tout en mettant en place une bourse d’échange d’informations entre professionnels et une veille réglementaire. Dans un deuxième temps interviendront des travaux de réflexion sur les enseignements, le lobbying sur ces métiers que beaucoup jugent d’avenir, des recommandations techniques ou des retours d’expériences. Cette liste n’est pas exhaustive.
Dès la première réunion, les constats ont été édifiants :
• les effectifs d’anciens mineurs, quelle que soit leur qualification, sont en “voie d’extinction”. Il est temps de transmettre les acquis aussi bien aux futurs opérateurs qu’aux encadrants ou aux administrations qui auront à contrôler ou à définir les règles ;
• si beaucoup d’exploitations ont à présent des tailles plus réduites, les problèmes demeurent. Qu’ils soient liés à l’exhaure, à l’aérage ou au soutènement, le domaine ne peut pas se passer d’expertises et de recommandations. Bien souvent, les structures actuelles ne peuvent pas intégrer un bureau d’études, d’où cette idée de créer un lien entre des professionnels capables de renseigner un confrère en recherche d’informations.
Garder les compétences, transmettre le savoir
Les préoccupations de ces professions sont pour la plupart communes à celles des entreprises de travaux publics qui ont à gérer des chantiers souterrains. Il convient de garder les compétences et les connaissances acquises au fil des siècles.
L’évolution dans les travaux souterrains et la mondialisation ont bouleversé les enseignes “fournisseurs” et “bureau d’études”.
Les réglementations évoluent en permanence comme le montre le processus de révision des textes, tels que le Code minier et le Règlement général des industries extractives (RGIE).
Les réunions de ce groupe Exploitation souterraine ont pris un rythme régulier et se veulent pragmatiques. Dans la mesure du possible, une visite de chantier ou d’exploitation est associée à chaque réunion, comme cette visite du chantier du creusement de la galerie de sécurité du tunnel du Fréjus, au mois de juillet
Visite de la galerie de sécurité du tunnel du Fréjus
À l’invitation d’un de ses membres, Michel Thone1, le groupe Exploitation souterraine a visité le 5 juillet le chantier du creusement de la galerie de sécurité du tunnel routier du Fréjus, à Modane.
Le tunnel du Fréjus est un monotube à deux voies de circulation (une dans chaque sens) creusé entièrement à l’explosif il y a une trentaine d’années. Après l’incendie dans le tunnel du Mont-Blanc, le 24 mars 1999, une nouvelle directive européenne a imposé, pour ce type de tunnel binational de grande longueur, l’obligation de disposer d’abris pressurisés et équidistants de 400 m maximum.
Le tunnel ne pouvant pas être fermé à la circulation, la Société française du tunnel routier de Fréjus (SFTRF) a décidé le creusement d’une galerie de sécurité parallèle à une distance d’environ 50 m pour permettre le creusement des rameaux (abris et sas).
Cette galerie sera longue de 12 875 m dont 6 495 m du côté français. Actuellement, environ 3 500 m ont déjà été creusés côté français. À cela s’ajoute pour la partie française, le creusement de 18 abris distants d’environ 360 m, de 2 stations techniques, 4 by-pass et d’une centrale de ventilation souterraine. En outre, la galerie de sécurité intègrera, dans le radier, une nouvelle ligne haute tension à courant continu entre la France et l’Italie.
Deux méthodes de creusement complémentaires
Au point de vue géologique, la galerie de sécurité, côté France, traverse sur les 400 premiers mètres des anhydrites très compactes et homogènes puis une masse de schistes lustrés (calcschistes) sous des hauteurs de couverture de 800 à 1 800 m.
Le creusement de la galerie de sécurité a été effectué sur les 650 premiers mètres par la méthode traditionnelle à l’explosif. Une chambre de montage a ensuite été creusée pour le montage du tunnelier qui réalise le creusement jusqu’à la frontière italienne. Les autres creusements sont faits selon les cas à l’explosif ou à la machine à attaque ponctuelle.
La méthode mécanisée ou creusement au tunnelier
Le tunnelier a été fabriqué par Herrenknecht (Allemagne). C’est une machine simple jupe pour roche dure permettant une excavation avant revêtement de 9,46 m de diamètre avec une conicité importante. Ce tunnelier a une longueur de 11,5 m. Il entraîne 10 remorques permettant d’assurer l’ensemble de la logistique, notamment l’approvisionnement des voussoirs, du mortier de bourrage et de la gravette ainsi que la ventilation. L’ensemble a une longueur de 170 m et son poids est de 2 700 t. La roue de coupe tourne à une vitesse variant entre 0 et 6 tr/min. Elle est équipée de 12 moteurs électriques avec une puissance installée de 7 800 kVA.
Le tunnelier avance par pas de 1,80 m grâce à 24 vérins développant une poussée maximale de 7 000 t ; la durée de creusement d’un pas est d’environ 25 mn.
L’anneau est ensuite mis en place. Il est composé de 7 voussoirs de 40 cm d’épaisseur ; la mise en place de l’anneau demande 25 mn. Du mortier et de la gravette sont injectés entre les voussoirs et le terrain.:
Une galerie de marinage (500 m de long) a été creusée en montant (15 %) de la carrière Socamo vers la galerie de sécurité. Cette galerie permet :
• l’évacuation par convoyeur descendant des déblais du tunnelier pour une mise en remblai définitif dans la carrière Socamo ;
• l’approvisionnement par convoyeur montant de la gravette ;
• d’amener du schiste criblé pour le remblaiement de la galerie derrière le tunnelier.
Le mortier est amené par toupie à béton et réservoir sur le train sur pneus amenant les voussoirs au tunnelier.
Le tunnelier travaille à deux postes par jour avec un poste de maintenance, et avance en moyenne de 20 m par jour.
Le creusement de la galerie de sécurité et de ses ouvrages annexes entraînera l’extraction d’environ 550 000 m3 de matériaux côté français. Les déblais du creusement sont évacués dans la galerie de sécurité par un convoyeur extensible (magasin de 200 m de bande) jusqu’au convoyeur de la galerie de marinage.
Ces matériaux sont utilisés pour remblayer l’ancienne carrière Socamo et améliorer l’impact paysager du site.
La sécurité sur tous les fronts
Cette visite très intéressante a permis aux participants de comprendre les problèmes que pose la réalisation de l’ouvrage à proximité d’un tunnel routier en exploitation, sans incidence sur le trafic, en développant les conditions de sécurité : passeport de sécurité pour entrer sur le chantier, adaptation des méthodes de travail et contrôles pour éviter toute interaction du chantier sur le tunnel existant.
Thierry Meilland-Rey, Pierre Gurs
Groupe Exploitation souterraine, Sim
(1) Michel Thone est responsable de la maîtrise d’œuvre du lot n° 1 (génie civil, France) de la réalisation de la galerie de sécurité du tunnel (groupement I 3S Inexia/SWS/SEA). Le maître d’ouvrage est la SFTRF et le mandataire des travaux est le groupement de travaux est Razel/-Bec/Fayat (mandataire)-Bilfinger-Berger.