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À Dijon, l’industrie minérale ne veut plus être un colosse aux pieds d’argile


Alors que les transitions énergétique, numérique et écologique concernent désormais huit milliards d’habitants sur la planète (dix à l’horizon 2100 d’après les Nations unies), l’explosion des besoins en minerais, minéraux et métaux n’est pas près de s’arrêter.
Mais l’industrie minérale est depuis longtemps fragilisée par le contexte économique et géopolitique, et à l’heure de la réindustrialisation pour renforcer notre souveraineté et limiter notre dépendance à des fournitures externes, elle doit redéfinir sa place dans l’économie des territoires, mais aussi nationale et mondiale.

Pour sa 73e édition, le congrès-exposition de la Sim posait ses valises à Dijon, du 1er au 4 octobre, avec comme thématique la réindustrialisation pour l’exploitation et la valorisation de nos ressources. Et quel meilleur endroit pour en parler que la région Bourgogne – Franche Comté, « première région française en R&D et en investissements »1, a rappelé en séance inaugurale Michel Boisson, président du congrès de Dijon et du district Bourgogne – Franche Comté de la Sim. Ancrée dans son histoire industrielle, avec l’exploitation du sel puis celle du charbon, elle est aussi une région novatrice dont l’industrie est aujourd’hui orientée vers le mix énergétique : nucléaire, éolien, solaire et hydrogène. La Bourgogne – Franche Comté est un maillon historique de la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire, avec la forgerie du Creusot mais aussi l’usine de Chalon-sur- Saône qui produit les équipements lourds des réacteurs nucléaires.
Début octobre, dans son discours de politique générale, le Premier ministre introduisait comme premier chantier l’amélioration du niveau de vie des Français, grâce notamment au développement industriel, à la création d’emplois et à l’attractivité internationale. « Au nom du gouvernement, je voudrais vous réaffirmer cet objectif de réindustrialisation, impératif économique, d’emploi mais aussi de souveraineté. Avoir une industrie est essentiel pour assurer la richesse de notre pays mais aussi pour l’autonomie stratégique, a souligné en introduction Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (Diamms). Concernant l’industrie minérale, également priorité du gouvernement, les ministres en charge connaissent bien les dossiers, pour les avoir travaillés en tant que parlementaire ou dans leurs précédentes fonctions. Je n’ai aucun doute que les axes fixés seront poursuivis et que le gouvernement nous demandera d’aller plus vite ».


1. En 2024, la région devrait consacrer 67,4 M€ à sa politique en faveur du développement économique, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire. Elle a signé le 15 mai dernier avec l’association Intercommunalités de France un accord marquant le lancement d’une nouvelle méthode de travail entre élus afin d’accélérer la réindustrialisation.

Congrès Exposition Sim Intervenants à la séance inaugurale du 73e congrès-exposition de la Sim. ©Sim/JPMR

La relance extractive est en marche

Congrès Exposition Sim Le village Start-up. ©Sim/JPMR

Laissé de côté pendant trois décennies, l’inventaire des ressources minérales décidé en 2023 par le président de la République va permettre, avec le BRGM et ses partenaires, de qualifier les ressources sur notre territoire. Les travaux ont commencé dans le Massif central pour établir des mesures géophysiques, puis ils s’étendront au reste de l’Hexagone et aux outre-mer. Figure de proue de la relance extractive en France, avec 1 milliard d’euros d’investissement, le projet Emili défendu par Imerys doit couvrir entre le tiers et la moitié des besoins en lithium pour le pays. Il est officiellement soutenu par l’Etat, qui a confirmé sa volonté d’accompagner au plan local et national pour répondre aux questions soulevées lors du débat public, achevé cet été. « Je retiens des échanges orchestrés par la CNDP une interrogation générale : a-t-on vraiment besoin de lithium ? Il semblerait que l’expertise internationale fasse consensus sur la mobilité électrique comme élément fondamental de la transition énergétique, et cela nécessite du lithium pour les batteries des voitures et des poids lourds. Cela n’est pas la solution unique, il doit y avoir une multimodalité et plusieurs manières de décarboner les transports. Il vaut toujours mieux pouvoir utiliser nos ressources pour alimenter notre industrie, car elles sont extraites dans de meilleures conditions environnementales », a affirmé Benjamin Gallezot.
En parallèle, de nouveaux permis d’extraction ont été délivrés, pour du lithium géothermal et divers gisements polymétalliques. La première unité pilote d’extraction d’hélium en Europe, gaz rare aux nombreuses applications industrielles, a été inaugurée par la société 45-8 Energy fin septembre dans la Nièvre. Des projets sont aussi en développement pour le raffinage et le recyclage de matières « stratégiques ». À Neuf- Brisach (68), Constellium vient de démarrer sa nouvelle ligne de recyclage d’aluminium. « En quelques années à peine, nous aurons augmenté de 50 % la capacité de recyclage d’aluminium en France. C’est majeur. Des projets de même type existent pour le cuivre », a rappelé le Diamms. Une usine de raffinage pour le nickel et le cobalt a été annoncée dans la région de Bordeaux pour alimenter les usines de batteries. De son côté, Solvay a dévoilé un projet d’investissement pour diversifier ses capacités de traitement et de séparation des terres rares à son usine de La Rochelle.


Congrès Exposition Sim Godard Motemona, vice-ministre des mines de la RDC, a inauguré l’exposition, accompagné de Thierry Meilland-Rey (Sim), Benjamin Gallezot (Diamms) et Bruno Jacquemin (A3M). ©Sim/JPMR

Nouveaux dispositifs de soutien public

En 2024, de nouveaux dispositifs de soutien ont été décidés par le gouvernement. Le crédit d’impôt industrie verte permettra de prendre en charge jusqu’à 30 % d’investissement dans les projets liés aux filières de la batterie et des énergies renouvelables, tant à l’amont (extraction) qu’à l’aval (recyclage) de la chaîne de valeur. Le gouvernement a également confirmé sa participation au fonds d’investissement Infravia pour soutenir les projets liés aux métaux critiques, un abondement annoncé à hauteur de 500 millions d’euros. « Les équipes du fonds d’investissement sont en place et accumulent un portefeuille de projets. Elles pourront passer à des phases d’investissement dès que le tour de table financier sera complété, ce qui devrait être le cas dans les prochains mois », a assuré Benjamin Gallezot. En matière de financement bancaire et de soutien, l’Agence française de développement, qui soutient les activités de développement dans des pays partenaires de la France, a elle aussi réinvesti le sujet de l’extraction minière. Sa filiale Proparco, une banque mondiale de développement, pourra désormais soutenir des projets d’extraction. « C’est un signal fort qu’un acteur important du secteur financier considère l’industrie extractive comme une composante intégrale de la transition énergétique et de la réindustrialisation », a souligné le Diamms.


Congrès Exposition Sim Le congrès-exposition de Dijon a battu des records de fréquentation avec un peu plus de 6 900 participants pendant 4 jours. © Sim/JPMR

L’exemple québécois

Réduire le risque financier était justement l’une des priorités établies par le gouvernement du Québec dans ses politiques économiques mises en oeuvre dès 2019 (les provinces canadiennes ont juridiction sur leurs ressources naturelles). La Stratégie québécoise de développement de la filière de la batterie comme le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques, porté par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec, et dont la deuxième phase est en cours, ont voulu favoriser l’intérêt envers l’exploration des minéraux critiques et stratégiques (MCS). « C’est un secteur nouveau dans l’histoire du Québec, qui est traditionnellement un producteur d’or et de fer. Au sein du gouvernement, nous avons travaillé à acquérir des connaissances géoscientifiques afin de créer un programme de soutien pour appuyer les travaux de géométallurgie », a détaillé Jocelyn Douhéret, directeur des politiques minières au ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec. Cela a donné lieu à la création d’un réseau de recherche scientifique propre aux MCS pour permettre aux universités, centres de recherche et entreprises de se coordonner (aujourd’hui composé de 300 membres avec un interlocuteur unique pour le gouvernement, qui recueille les besoins de l’ensemble de l’écosystème), et à l’élaboration de programmes d’aide à l’industrie notamment pour la mise à l’échelle des procédés minéralurgiques. Grâce à ces efforts et à ceux fournis pour la transformation numérique du secteur minier québécois, pour le développement des meilleures pratiques en termes d’acceptabilité sociale, pour l’intégration des principes de circularité par des programmes de soutien à la R&D, et pour la traçabilité dans le développement de toutes ces filières, une soixantaine de projets miniers québécois ont bénéficié de ces politiques publiques (plus de 100 millions de dollars d’investissements publics).
Le nombre de projets ayant atteint l’étape de mise en valeur est ainsi passé de 23 en 2019 à 35 projets en 2024, dont 22 concernant des MCS. « Les MCS représentent désormais la grande majorité des dépenses en exploration, dépassant ce que représentait l’or il y a encore 4 ans. Ce chiffre a explosé de plus de 200 % ».
Le Québec, qui représente trois fois la superficie de la France pour seulement 8 millions d’habitants, se prépare ainsi à couvrir 28 % de la production de cathodes en Amérique du Nord d’ici 2030, dans la région de Bécancour. « Nous sommes devenus le premier producteur de niobium dans l’hémisphère nord, et le premier et seul producteur de graphite au Canada. Ce n’est pas le fruit du hasard, et cela attire des investisseurs étrangers notamment des États-Unis et d’Europe, et on le souhaite de la France, glisse Jocelyn Douhéret. Nous avons réellement démarré un travail de communication il y a 4 ans, car il faut être créatif pour attirer les jeunes générations dans nos filières ».




Le défi de l’attractivité

Pour répondre aux besoins de la transition énergétique, les experts estiment qu’il y aurait encore un million de personnes à former. Or, pour poursuivre cette réindustrialisation, encore faut-il pouvoir maintenir les compétences notamment dans le monde académique. « La désindustrialisation s’est aussi faite dans nos écoles et nos universités. Les programmes que l’on propose sont le reflet de la société et on le constate sur l’évolution des orientations dans les études d’ingénieur », a expliqué Éric Pirard, ingénieur géologue, expert en matières premières minérales, économie circulaire et métallurgie à l’université de Liège. Il a observé, entre 1950 et 1980, un glissement des filières mines, métallurgie, chimie, mécanique, construction, électricité, vers des thématiques avales, jusqu’à la fermeture définitive des options mines et métallurgie au détriment de l’électronique, de l’aéronautique, du biomédical ou encore du big data. « Tous les moyens passés vers ces filières-là ne vont pas revenir vers les filières de base », regrette-t-il. À l’interface des sciences naturelles, la formation d’ingénieur-géologue a selon lui plutôt bien résisté en trouvant sa place dans des missions environnementales. « Il faut réindustrialiser dans un souci d’autonomie, mais aussi parce que nous croulons sous nos déchets. Lorsqu’on récupère du cuivre dans des déchets électroniques, il est important qu’il y ait des acteurs capables de reprendre ce cuivre, de le traiter et de fabriquer de nouveaux produits. La réindustrialisation est une composante essentielle de l’économie circulaire et nos ingénieurs sont idéalement placés pour boucler la boucle : ils ont été formés initialement à traiter la matière première, or recycler c’est traiter des matières premières secondaires, ce n’est pas un nouveau métier », défend-il. C’est la raison d’être du programme EMRA (European Master in Geosources Engineering), de mettre sur un pied d’égalité les ressources primaires et secondaires. En 2013, l’université de Liège a décidé de placer cette formation au niveau européen en faisant alliance avec trois autres universités, en France, en Suède et en Allemagne. Depuis, le programme EMRA a formé plus de 150 étudiants à travers le monde dans les disciplines de la géométallurgie.


Congrès Exposition Sim Carrière de granulats d’Epagny (Eqiom), en Côte d’Or, visitée par les collégiens et lycéens participant au Forum Jeunes de la Sim. © Sim/JPMR

Faire évoluer le modèle

Éric Pirard espère aussi résoudre un problème de communication, car les ingénieurs ne seraient pas assez formés selon lui à être confrontés à un public large et notamment d’opposants. « L’acceptabilité sociétale est fondamentale pour notre industrie et nous devons développer les soft skills, ces compétences transversales qui permettent de trouver les bons mots pour expliquer pourquoi on extrait des ressources », appuie-t-il. Mais réindustrialiser un pays, c’est aussi changer la façon d’appréhender la relation à ses ressources. Pour Bruno Jacquemin, délégué général de l’A3M (Alliance des minerais, minéraux et métaux), « nous devons passer d’un modèle d’exploitation à un modèle de valorisation et nous engager dans une réindustrialisation différente de celle du passé, basée sur une technologie de pointe et une utilisation raisonnée des ressources : automatisation, robotisation, IA, numérisation des processus industriels par la data… Ces technologies vont nous rendre plus propres et plus efficaces, en accord avec les attentes de la société en matière de développement durable ». Les industries lourdes, une industrie du futur ? En tout cas, le secteur extractif doit opérer sa transformation à la faveur de la réindustrialisation, grâce au soutien de la puissance publique mais aussi par le changement de regard des acteurs de la filière sur les impératifs de court terme. La défense du tissu industriel dans les territoires fait partie des défis auxquels les communes sont appelées à répondre dans le cadre du prochain salon des maires et des collectivités locales, qui ouvrira ses portes le 19 novembre à Paris.





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