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mines & carrières 223 - mars 2015

 

* Cette journée n’était pas organisée à destination des professionnels qui montent les murs : maçons et spécialistes de la construction en bois. En conséquence, les blocs béton (“parpaings”) et les blocs isolants maçonnés (béton cellulaire, ou granulats isolants à base de pierre ponce, d’argile expansée, etc.) n’ont pas participé à cette journée.

 

Depuis une vingtaine d’années, les réglementations thermiques ont stimulé une guerre commerciale et de communication entre les trois univers des murs : béton, brique et bois. Les arguments manquaient parfois de rigueur intellectuelle. Les parts de marché se sont recalées. De nombreux exemples de chantiers montrent que la cohabitation à bon escient dans une même construction, est possible. au bénéfice de la qualité des bâtiments et de leurs occupants.

 

Depuis une quarantaine d’années et le premier choc pétrolier, les réglementations thermiques n’ont cessé d’accroître l’isolation thermique des bâtiments neufs, et même existants. Les murs extérieurs sont l’un des éléments de construction essentiels de tout bâtiment. Le roi parpaing, même renommé bloc béton, n’a cessé de perdre des parts de marché, surtout durant ce siècle-ci, au bénéfice de la brique alvéolaire et de la construction en bois. Forte de ce constat, la Sim, et en particulier Philippe Cunin, ont organisé une journée technique entre les trois filières.

Le choix de la ville de Nantes présentait trois avantages :
• les prélèvements de sable en mer au large de l’estuaire de la Loire ;
• la présence du principal producteur de briques de l’Hexagone, Bouyer Leroux, et ;
• le pôle Atlanbois créé par les importateurs de bois du port de Nantes et les professionnels associés.

Saint-Pierre, marchand de sable

La journée commençait par une visite, à quai, du bateau sablier Saint-Pierre, exploité par Charrier. Le quai est situé en aval du périphérique de Nantes, côté ouest. Le capitaine Thierry Stern présente les caractéristiques du bateau construit par les chantiers STX de Lorient, livré en septembre 2012 et valant 25 M€ : « longueur de 855 mètres pour une largeur de 16.

La capacité d’emport du sable est de 2 000 m3, soit 4 000 tonnes. Le bateau nécessite un équipage de sept personnes dont un capitaine, cinq personnes étant actives alors que deux autres peuvent se reposer. L’équipage est autonome : pas besoin de pilote dans l’estuaire et accostage sans aide à terre. »L’entretien du bateau s’effectue tous les deux ans et les câbles sont vérifiés tous les 300 voyages. La cuisine et le séjour sont très bien dotés, soit dit en passant.

Le bateau travaille par périodes de 13 marées, soit environ 7 jours. Il descend la Loire à marée descendante et la remonte en marée montante, ce qui fait gagner du temps et de l’énergie. Un voyage en mer consomme environ 5 m3 de gazole. Il se rend sur une zone de pompage partagée entre plusieurs opérateurs, un carré de 5 km de côté, orienté nord-sud comme un losange. Cette zone est située à une dizaine de kilomètres au large, à la fois de la pointe Saint-Gildas et du nord de l’île de Noirmoutier. Un logiciel porté par une carte marine enregistre les zones de pêche du sable. Le bateau peut pêcher du sable jusqu’à une profondeur de 40 mètres et avec une houle maximale de 3 m. Le contrat de concession porte sur plusieurs années et il est assorti de quotas annuels.

Le pompage est assuré par une pompe installée sur le navire, qui fonctionne en 690 volts. Cette pompe démarre toujours en pompant de l’eau et continue en pompant un mélange d’eau et de sable, d’une densité d’environ 1,5. Trois heures sont nécessaires pour pomper l’eau en mer et une seule heure pour décharger le sable à quai.

Compte tenu de la conjoncture BTP assez moyenne, le bateau ne tourne pas au maximum de ses possibilités. Les granulats servent pour les applications courantes du béton de centrale et des éléments en béton.

Le marché nantais du sable présente une particularité. Les importantes activités de maraîchage, dont les plus connues sont la mâche et le muguet, nécessitent environ 600 000 tonnes de sable chaque année.

Les certitudes du béton

Olivier Stephan, animateur régional du SNBPE, Syndicat national du béton prêt à l’emploi, a présenté les avantages du béton dans la perspective de l’économie circulaire. Dans les carrières, les gisements sont optimisés et la biodiversité préservée. Dans les centrales, l’eau et les rebuts de production sont de mieux en mieux gérés. Côté recyclage, 80 % des bétons de démolition sont réemployés, surtout en sous-couche routière.

Sur un plan général, le béton peut répondre à toutes les exigences réglementaires : structurelles, thermiques, acoustiques, sismiques, sécurité incendie, sanitaires et environnementales. Le BPE est maintenant disponible en formulation isolante afin d’atténuer les ponts thermiques, mais pas encore auprès de tous les réseaux industriels.

Olivier Stephan rappelle que le BPE et les blocs béton sont déconsidérés par l’impact CO2 nécessaire à la production de ciment. Mais il note que c’est surtout l’énergie nécessaire durant la durée de vie d’un bâtiment qui créé l’essentiel de son impact environnemental.

Succès commercial des briques isolantes

Le second lieu de rendez-vous de cette journée était un chantier de construction de petits immeubles dont les murs extérieurs recouraient à des briques alvéolaires à parois verticales. Jean-François Regrettier, directeur du marketing de Bouyer Leroux, a présenté le chantier, ainsi que la philosophie technique et commerciale du n°1 de la brique alvéolaire en France.

L’ex société familiale, créée en 1955, est une Scop qui se porte très bien avec 700 collaborateurs, un chiffre d’affaires de 155 M€ et quatre usines “historiques” situées dans le Maine-et-Loire et en Vendée. Le rachat d’Imerys Structure en 2013 (briques et conduits de fumée) a rajouté cinq usines en Haute-Garonne, Gironde, Loire et Haute-Loire.

L’empreinte environnementale, la production de CO2 par le gaz utilisé dans les fours, est réduite par le recours au biométhane et à la biomasse (sciure de bois), ce dans quelques usines. Bouyer Leroux propose quatre familles de produits en terre cuite : briques de mur de trois types, briques de cloison, conduits de fumée et tuiles romanes. Les trois types de briques de mur sont les suivants : avec un montage en joint épais, eco’bric et thermo’bric ; avec des joints collés, le mono’mur dont la part de marché est limitée à cause du prix de revient et de la lourdeur de la mise en oeuvre, pour le personnel comme pour les fondations, malgré les espoirs d’il y a dix ans ; également avec des joints collés, la bgv aux alvéoles verticales.

Ces briques isolantes sont très séduisantes en théorie, mais leur efficacité thermique impose des contraintes de conception et est atténuée par les difficultés de la mise en oeuvre. Les produits à double fonction, porter les étages et les toitures et procurer une isolation thermique, demandent une grande rigueur de conception et de mise en oeuvre. Ceci n’a pas empêché les briques d’atteindre une part de marché presque équivalente à celle des blocs béton, plus de 40 % chacun, en ce qui concerne les murs d’élévation.

Le bois à bon escient

L’ensemble des exposés se sont déroulés dans les étonnants locaux d’Atlanbois, sur l’île de Nantes. Stéphane Prigent, médiateur du bâtiment Atlanbois, nous a présenté l’édifice, très ostentatoire de la construction en bois. Le prix de construction vaut 20 à 50 % de plus que celui d’une construction classique, la matière bois valant cher, même si le coût de mise en œuvre est parfois allégé puisque rapide. La structure majeure est constituée par une série d’“échelles” sur toute la hauteur du bâtiment. Les “barreaux” des échelles supportent les différents planchers des pièces distribuées le long de la façade, courbe. Il convient de noter que deux structures en béton verticales sont indispensables au contreventement. L’habillage extérieur de la façade recourt évidemment au bois.

Stéphane Prigent distingue quatre systèmes constructifs en bois : ossature poteaux et poutres, ossature plateforme, panneaux massifs et bois massif empilé (troncs d’arbre superposés et croisés). La portée des poutres et l’isolation thermique naturelle du bois sont des atouts réels. Il présente le bois comme résistant au feu ; devons-nous ajouter quand il est massif et séparé des produits d’origine pétrolière ou facilement inflammables. La construction bois représente 12 % des maisons construites en secteur diffus.

Le bois est récemment utilisé ces dernières années afin de composer des éléments de façade qui intègrent l’isolation thermique et portent les menuiseries extérieures : un mur manteau à structure bois. Ces éléments se montent généralement sur des structures en béton, mais ce serait également possible avec l’acier. L’avantage de combiner bois et béton est que le matériau minéral apporte l’inertie thermique, agréable l’hiver et très utile afin d’estomper la surchauffe estivale.

De la terre crue ou cuite et des isolants denses complètent éventuellement ce confort thermique. Par ailleurs, les structures à base de bois sont souvent utilisées pour les extensions ou les surélévations de bâtiment. La légèreté atténue les nouvelles charges apportées sur un ouvrage.

Pas de dogmatisme

Que conclure de ces échanges durant une journée sereine ?
Jusque récemment, les trois filières se battaient, sur les plans communication et commercial, en exclusion les unes des autres. Les réglementations thermiques successives depuis 1995 avaient créé cette “émulation”.

Ces dernières années, les projets réalisés, dans le neuf et la rénovation, commencent à montrer que les meilleurs compromis technico-économiques résident dans l’affectation de matériau qui convient le mieux en fonction de son emplacement et de son emploi dans chaque partie des ouvrages.

Pascal Graindorge

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