Lire l'article en .pdf
mines & carrières 217 - septembre 2014
Le 14 mai dernier, 24 personnes, dont 5 intervenants, se sont réunies pour assister à une journée technique du district Ouest de la Sim organisée chez le groupe Roullier, à Saint-Malo (35). Ce groupe comprend trois branches : agrofourniture, agrochimie et agroalimentaire, et technologies marines. Particularité : il importe ou extrait chaque année 4 Mt de minerais (phosphates, potasse, calcaire…) afin d’élaborer des engrais et des produits d’apport alimentaire.
Le groupe Roullier s’appuie sur trois piliers : l’industriel, le commercial et l’innovation. La R&D est un axe essentiel de son identité.
Début 2014, le groupe a lancé la construction de son centre mondial recherche à Saint-Malo avec 8 000 m² de bâtiments, des serres végétalisées et des laboratoires spécialisés.
Dans le domaine des matières premières, la branche agrofourniture importe ou extrait environ 4 Mt/an de minerais (phosphates, potasse, calcaire, magnésie…). À partir de ceux-ci, ses fabrications consistent principalement en des engrais et des produits d’apport alimentaire.
Les matières premières dans l’industrie des fertilisants
Le groupe Roullier s’attache à fournir des réponses aux nouvelles donnes alimentaires en offrant aux exploitations agricoles des solutions pour augmenter les rendements et valoriser les terres et les cultures. Dans les filières d’élevage, l’exigence de qualité imposée par les consommateurs nécessite une prise en charge adaptée de la santé des animaux, et donc de leur alimentation.
Sébastien Floc’h, directeur général de l’agroalimentaire et des technologies marines du groupe Roullier, présente la stratégie à 50 ans du groupe : « Il est dirigé par son créateur, Gabriel Roullier, depuis 1959, et son objectif est de rester une société familiale. »
Le premier métier du groupe est d’être un nutritionniste de la plante, en formulant des engrais pour répondre aux besoins spécifiques de la plante, quelle que soit son espèce (céréales, mais aussi orangers, cacaoyers…), selon le sol et le climat. Il ne s’agit pas de simples engrais.
Benoît Tardiveau, responsable du marché azote des matières premières, présente les matières premières de base pour les fertilisants NPK (azote, phosphore, potasse), qui sont la base de la nutrition des plantes. L’azote (N) provient de l’air, le phosphore (P) du phosphate naturel, extrait d’exploitations minières peu profondes (jusqu’à 50 m), et la potasse extraite d’exploitations profondes (entre 500 et 1 500 m) ou de lacs salés.
L’azote de l’air est transformé en ammoniac, puis en urée, et en ammonitrate, qui sont utilisables dans les fertilisants.
Les phosphates sont extraits dans des mines à ciel ouvert. Le Maroc et la Chine en sont les principaux pays exportateurs : ils ont les plus grandes réserves mondiales. Le phosphate naturel est acheté brut. Combiné avec de l’acide sulfurique, il donne l’acide phosphorique qui, sur le phosphate, donne le triphosphate, un fertilisant.
La potasse est issue de mines souterraines au Canada, en Russie, en Biélorussie, en Allemagne, voire de lacs salés (Chine, Israël, Jordanie). L’extraction a lieu à grande profondeur, et la séparation des sels est réalisée en usine : sels de magnésium, de sodium (NaCl) et de potasse (KCl), le plus souvent par flottation.
La potasse donne du chlorure de potassium ou, avec de l’acide sulfurique, du sulfate de potasse qui est utilisé comme fertilisant.
Les usines de la branche agrofourniture transforment environ 4 Mt/an de matières premières. Les sept principales matières premières représentent à elles seules environ 3 Mt/an (les deux premières sont le phosphate brut et la potasse).
La branche agrofourniture
Le groupe Roullier s’est construit sur la production d’amendements calcaires, des apports nécessaires pour combattre la salinité des terres en Bretagne. Le calcaire peut être terrestre ou maritime, mais, historiquement, le groupe a longtemps transformé industriellement en amendement calcaire du maërl, qui est une accumulation d’algues calcaires extraites en mer. Son exploitation est désormais interdite, mais elle a été remplacée par du calcaire coquillier marin. Ce calcaire est exploité dans trois gisements, dont un au large de Roscoff. Roullier extrait actuellement 300 000 t/an de calcaire coquillier marin, ainsi que du carbonate de calcium provenant de la carrière de Billy (14).
Pierre Le Coz, président de Timac Agro, indique que « Timac Agro a une capacité de production de 1,6 Mt de fertilisants, alors que le marché français est de 8 M€. » L’objectif est de garantir aux agriculteurs des rendements pour une agriculture durable et rentable.
Depuis 60 ans, la production agricole a été multipliée par trois, grâce aux fertilisants. L’agrofourniture consiste à mettre en forme des produits, regroupant tous les fertilisants dans le même granulé.
Ce granulé est adapté à la plante désirée et au sol, avec le rendement voulu, ce qui implique de faire des choix dans les fertilisants. Il s’agit aussi de ne pas en mettre trop pour respecter des critères environnementaux.
Les produits comprennent différents minéraux et des molécules qui donnent l’efficacité agronomique de chaque granulé. Il s’agit de spécialités nutritionnelles végétales, en plus des fertilisants qui ne sont épandus que deux fois par an, à l’automne et au printemps. Des oligo-éléments sont nécessaires pour certaines carences des sols : bore, cuivre, zinc, molybdène, fer, etc. Les spécificités de l’entreprise sont les extraits d’algues, qui sont étudiés au niveau moléculaire avant leur utilisation en usine. Ils peuvent servir d’agents actifs foliaires ou racinaires.
Au centre mondial de R&D du groupe Roullier
Olivier Julienne, directeur général adjoint du groupe Roullier, indique que « la valeur ajoutée du groupe Roullier est de savoir imaginer de nouveaux produits ». Selon lui, « l’innovation permet d’améliorer les rendements de fertilisation avec de nouvelles formules de NPK ou de nouveaux produits. »
Les ingénieurs et les chercheurs représentent 400 personnes, répartis à Saint-Malo, mais aussi en Espagne et au Paraguay. Le groupe Roullier regroupera prochainement ses équipes autour de l’ancrage territorial de Saint-Malo, dans son nouveau centre mondial de recherche, ce qui facilitera les partenariats avec le CNRS, l’école de chimie de Rennes et l’INRA notamment.
Le choix de ce regroupement induit une refondation de la R&D et une réorganisation des équipes avec la modification des modes de gouvernances, et la construction d’un nouveau bâtiment conçu par l’architecte Jean-Pierre Meignan. Les scientifiques seront rassemblés à Saint Malo, qui regroupera 200 à 220 personnes. D’ici 2017, 80 personnes seront recrutées. Le bâtiment a été voulu un peu majestueux pour être une vitrine et révéler une volonté de communication.
Il s’agit de la fin de la discrétion du métier, avec une volonté de mise en valeur d’un savoir-faire. Des visites seront organisées pour les agriculteurs. La communication externe est une révolution pour le groupe, qui n’a pas l’habitude de témoigner de ses compétences.
Le bâtiment aura une surface de 8 000 m², comprenant des bureaux, des serres (800 m²), une salle de conférence, etc.
Les installations de R&D comprendront les laboratoires de physiologie des plantes, de biologie moléculaire végétale, d’électro-physio des plantes, de chromatographie, d’agronomie, d’hygiène, de microbiologie, d’analyse physico-chimique, et enfin des serres de phénotypage1, de cultures, et une serre étanche de pathologie des plantes.
Mireille Bouniol