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mines & carrières 214 - mai 2014

 

En aval du barrage de Tignes (73), les centrales de Brévières et de Malgovert sont en cours de maintenance et de modernisation. La partie la plus difficile du chantier est la remise en état des conduites forcées de Malgovert, installées sur un terrain en forte pente, avec un dénivelé de 750 m créant une pression de l’eau de 75 bar.

 

Le 15 avril dernier, une quinzaine de personnes se sont retrouvées en Savoie, près de Bourg- Saint-Maurice, pour visiter le complexe hydroélectrique de Malgovert. Elles ont été accueillies par le responsable du chantier, Philippe Martin, directeur de projet pour Spie Batignolles TPCI. Il a présenté l’ensemble du projet, du barrage de Tignes jusqu’aux centrales de production, avant d’emmener les visiteurs sur le chantier de la centrale de Malgovert. Les travaux portent sur la maintenance et la modernisation de l’outil de production, qui comprend les organes de production des centrales, les prises d’eau, les galeries, canaux, vannes, retenues, etc. Le tout en terrain abrupt (pente jusqu’à 80 %), avec des accès escarpés, et des conditions météorologiques difficiles.

L’installation hydroélectrique

Le barrage de Tignes est le plus haut barrage de France, construit à plus de 1 660 m d’altitude. Il permet de stocker 230 Mm³ d’eau et a été mis en activité en 1952. C’est un barrage-voûte avec une première prise d’eau en pied du barrage. Il alimente en premier l’usine des Brévières, puis une galerie d’amenée dirige l’eau vers l’usine de Malgovert, située 750 m plus bas que les Brévières. L’ensemble des deux centrales produit environ 825 GWh/an. Le barrage accepte une forte décantation, et l’eau n’est pas abrasive. La galerie d’amenée de Malgovert est longue de 14,70 km. Elle collecte de l’eau parce qu’elle fonctionne comme un drain non étanche. Son diamètre est de 4,55 m et elle déverse l’eau, jusqu’à 100 l/s, dans une galerie blindée de 3,20 m de diamètre. Cette galerie est reliée à l’usine de Malgovert par deux conduites forcées dont le rôle est d’accélérer la vitesse de chute de l’eau jusqu’à 50 m³/s, grâce à une pente de 35° sur 1,52 km. Ces deux conduites, de diamètres 2,20 et 2,10 m, peuvent être fermées par une vanne de tête.
Elles sont placées sur le versant nord, et ancrées dans 17 massifs en béton, dont le plus haut est situé à une altitude de 1 500 m, et le plus bas à 800 m, au niveau de l’usine.

Une pression de 75 bar

Les deux conduites forcées ont une longueur développée de 1 524 m et présentent une hauteur de chute de 750 m, ce qui donne une pression de l’eau de 75 bar. Pour éviter les coups de bélier, une cheminée d’équilibre, d’un diamètre de 30 m, est installée en haut de la pente, en amont de la galerie blindée et des conduites forcées. Les deux conduites forcées sont en acier de 3,5 cm d’épaisseur, et sont renforcées par des frettes qui les enserrent. Il s’agit soit de frettes en fers plats, soit de câbles fermés, sans épissure visible, autour des conduites. À l’approche de la centrale, les deux conduites s’écartent avant de se diviser en deux rameaux, via des sphères de jonction, puis elles se divisent à nouveau pour créer huit rameaux séparés à l’entrée dans l’usine. La centrale turbine les eaux et peut produire 680 GWh/an avec quatre groupes équipés de deux turbines Pelton chacun. Les huit turbines à eau sont munies de bâches en tôle d’acier qui protègent une roue mobile et évacuent l’eau en circulation. Ces turbines comportent chacune un injecteur et une roue mobile, munie sur sa périphérie d’aubes appelées augets. L’injecteur envoie l’eau, à très grande vitesse, sur les augets de la roue, qui tourne et est couplée à un alternateur puis à un transformateur pour fournir l’énergie électrique. Les alternateurs de l’usine sont d’origine (1952). Dans la centrale de Malgovert, deux vannes de tête ont été remplacées, ainsi que huit robinets sphériques : ces pièces de 25 tonnes chacune permettent d’ouvrir ou de couper l’eau juste avant la turbine. Après son passage dans l’usine, l’eau est libérée dans l’Isère.


Le chantier de Tignes à Malgovert

Pour les travaux préparatoires du chantier, il a fallu abaisser le niveau de l’eau dans la retenue du barrage de Tignes de 135 m, à son niveau minimal de 1 655m NGF. De plus, à la demande d’EDF, la centrale doit pouvoir fonctionner, chaque année, à plein régime pendant quatre mois (du 1er novembre au 1er mars), puis quatre mois avec une conduite vide, et enfin être arrêtée quatre mois avec les deux conduites vides. Philippe Martin indique : « Selon le marché de travaux, un téléphérique devait être construit pour soulever les charges. Mais nous avons proposé une autre option, la création de pistes forestières permettant l’accès de grues mobiles, ce qui présentait plus de facilités pour réaliser le chantier. » Les pistes sont situées d’un seul côté des conduites forcées, sur la rive gauche en descendant. Des escaliers métalliques longent les conduites forcées pour permettre leur accès.
Le planning du chantier a compris la création de ces pistes forestières et de plateformes dans la forêt communale de Bourg-Saint-Maurice, réalisées en 2012. Ce sont 3,5 km de pistes qui ont été construites, et 9 plateformes différentes capables de supporter des grues jusqu’à 300 t, avec 8 essieux. Les pistes forestières seront restituées à l’ONF à la fin du chantier. L’équipement du chantier comprend une pelle-araignée et jusqu’à 8 grues mobiles en même temps. En complément, un hélicoptère a été utilisé pour les parties hautes de l’ouvrage, là où il n’y a pas de piste. Les travaux sur les conduites forcées de Malgovert et la centrale doivent se terminer en 2015. Les installations doivent êtres repliées et les sites remis en état pour la fin 2015.


Mouvements du versant

Un système de mesure du terrain existe depuis les années 1970, et a permis de découvrir que le versant de la montagne bouge légèrement et descend de 5 cm par an au maximum. Les massifs en béton qui supportent les conduites forcées ont suivi la pente, et des morceaux de tuyaux ont dû être rajoutés pour éviter les fuites. Afin d’éviter ces opérations de maintenance coûteuses, un système de joint coulissant a été choisi par EDF, et fait l’objet de ce chantier. Pour répondre à la modification des efforts provenant de la conduite et dus à la mise en place de ces joints coulissants, dix des 17 massifs ont dû recevoir un renforcement de leur génie civil ou être reconstruits. Les massifs sont renforcés par deux oreilles placées sur les côtés, d’abord ancrées dans le sol puis vissées sur les massifs. Les ancrages sont perpendiculaires à la pente, avec une profondeur d’ancrage de 15 à 20 m pour des massifs de 8 m de large. Les pilettes en béton, sur lesquelles reposent directement les conduites forcées entre les massifs, sont elles aussi renforcées afin d’être équipées de nouveaux supports métalliques accommodant les mouvements de la conduite. Ainsi, 60 pilettes sont en cours de changement.

200 m de conduites forcées

La première partie des conduites forcées est consolidée par des frettes en fers plats, qui sont fragiles à la fatigue. Il est donc nécessaire de remplacer 200 m de conduites forcées au diamètre de 2,20 m et de 2,10 m, et de réaliser de nombreux terrassements sous les conduites. Les travaux consistent à remplacer les conduites abîmées, en soulevant dans la pente des portions de tuyaux, déjà soudés en usine, et pesant jusqu’à 30 t. Le chantier des conduites forcées comprend le remplacement des joints et le remplacement de tronçons frettés avec des fers plats par des lisses mécano-soudées. Les tuyaux à frettes câblées ne sont pas changés. De plus, des manchons libres sont rajoutés : ils coulissent et permettent une course sur 20 ans, afin de suivre le mouvement de la montagne. Les joints libres ne peuvent être installés que quand le génie civil est terminé. Huit sphères de jonction des tuyaux, en partie basse des conduites, ont été remplacées par des bifurcations. Pour garantir la sûreté de l’hydraulique, les chocs sur les conduites forcées doivent être évités durant toute la durée du chantier, parce qu’ils risqueraient de créer un point faible lors de la remise en eau.
Philippe Martin conclut : « La difficulté principale du chantier est de travailler dans la pente, l’un au-dessus de l’autre, ce qui engendre des risques de chutes d’outils ou de personnes. Pour assurer la sécurité et éviter toute superposition de tâches, le chantier est sectorisé, et chaque secteur est bordé de filets. » Au plus fort du chantier, jusqu’à 200 personnes sont mobilisées, appartenant à de nombreuses entreprises locales et nationales.

Mireille Bouniol

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