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m&c 106 - juillet/août 2004
Fin juin, le district Sud-Ouest organisait une journée technique aux Quartz et Sables du Lot (DAM) sur le thème de l'accès à la ressource face aux contraintes administratives et environnementales. Thédirac étant une excellente illustration de la problématique si l'on se réfère à l'article paru sur cette exploitation dans le numéro de juin de M&C !
La journée technique organisée le 24 juin dernier par le district du Sud-Ouest a réuni une quarantaine de participants sur le site d'exploitation des Quartz et Sables du Lot à Thédirac, près de Cahors. Ils étaient accueillis par Patrick Masurel, directeur de la branche quartz de Denain-Anzin Minéraux (DAM) et Philippe d'Agier, directeur du site. Cette carrière, située à peu près au centre de gravité de ce vaste district présidé par Yannick Le Mailloux, avait été choisie pour deux raisons. D'une part, très récente et remarquablement exploitée dans le plus grand respect de l'environnement, on peut la considérer comme un modèle de ce que doit être aujourd'hui la mise en valeur d'un gisement. D'autre part, l'historique (on est tenté d'écrire le feuilleton) de sa mise en exploitation est un exemple assez édifiant des contraintes que risque d'affronter qui veut de nos jours ouvrir une carrière, et aussi l'expérimentation, riche d'enseignements, des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.
Qu'elle reste verte ma vallée
On peut opportunément rappeler que, sous le titre "Des galets du Quercy pour l'électrométallurgie", le numéro de juin de M&C a publié sur Thédirac un article dans lequel on trouve non seulement l'essentiel sur la carrière, les méthodes et moyens d'exploitation et de traitement, ses productions, ses débouchés, mais encore la litanie des péripéties juridico-administratives qui ont retardé de quatre ans son ouverture.
Aussi, la Sim, dans le souci d'information et de formation de ses adhérents et sympathisants qui est la justification de ses journées techniques, avait-elle retenu pour thème de la visite des Quartz et Sables du Lot celui de l'ouverture d'une carrière, des problèmes et contraintes d'ordre administratif et environnemental, le tout à la lumière de l'expérience de Thédirac…
Vaste sujet et combien d'actualité en un moment où le principe de précaution et son introduction dans la Constitution sont à l'ordre du jour !
En conséquence, les organisateurs avaient fait appel à deux intervenants, Me Fernand Bouyssou, avocat au barreau de Toulouse et professeur de Droit, spécialiste du droit de l'environnement, et Philippe Gouze, ingénieur environnement à l'Unicem Midi-Pyrénées. Ceux-ci avaient bien voulu ajouter leur compétence et leur expérience à celles des responsables de DAM ainsi qu'à celles de Yannick Le Mailloux, président du district et de François Larue, président de l'Unicem Midi-Pyrénées.
Commentant la projection de transparents, Patrick Masurel situait d'abord les Quartz et Sables du Lot dans l'ensemble du groupe DAM en rappelant les grandes dates de sa mise en exploitation. Il présentait ensuite les réalisations les plus remarquables en matière d'environnement: expédition exclusive par fer, lutte contre le bruit et les poussières, gestion de l'eau recyclée à 98%, un record, gestion des déchets, prise en compte des contraintes de l'archéologie préventive et, ce qui est plus original, de l'entomologie préventive (ah, ces papillons qui ont donné tant de soucis à Philippe d'Agier !). Une protection de la nature qui a si bien réussi qu'on a vu apparaître de nouvelles espèces d'insectes sur les merlons paysagers tandis que les grenouilles retrouvaient la joie de vivre sur des "points biotopes"...
Les réalisations se poursuivent depuis la mise en service, elles portent cette année notamment sur l'amélioration du capotage des installations de chargement des wagons et sur l'arrosage des pistes. Enfin, on étudie déjà ce que sera le réaménagement final qui reconstituera le vallon initial reboisé d'espèces locales typiques du Quercy, chênes et châtaigniers, le tout agrémenté par la création de landes sèches et de zones humides, créatrices et supports de biodiversité.
Questions de droit
Me Bouyssou est d'autant plus qualifié pour parler de Thédirac qu'il a été dès le début l'avocat de DAM, suivant au quotidien un dossier particulièrement délicat et fertile en rebondissements. Dans un exposé magistral, clair et précis tout en restant simple, Me Bouyssou rappelait d'abord la longue évolution de la législation sur les carrières. Ensuite, prenant appui sur l'expérience vécue de Thédirac, il définissait quelques grands principes et proposait des solutions en vue de concilier les impératifs de l'économie et les considérations, pour ne pas dire les exigences, d'ordre écologique que l'on doit de plus en plus prendre en compte.
C'est ainsi qu'il évoquait la notion de droit préventif, c'est-à-dire pour un exploitant de carrière le moyen d'éviter d'aller en justice, à tout le moins le moyen de mettre de son côté le maximum de chances de gagner un éventuel procès. Il convient de bien connaître les avis multiples dont doit s'inspirer le préfet, avec la Drire comme pilote, avant de prendre l'arrêté autorisant l'exploitation d'un site. Sont particulièrement déterminants l'étude d'impact et l'enquête publique et le rôle du commissaire enquêteur. Les péripéties de Thédirac en sont, hélas, une édifiante démonstration. Il faut aussi tenir compte du droit de l'urbanisme, un permis de construire étant nécessaire pour toute construction, même sans fondations, sachant qu'en cas de modification du POS l'autorisation administrative, souvent longue à obtenir, s'appuie sur les textes en vigueur au moment où elle est donnée. Le droit européen peut également intervenir. Enfin, il faut savoir qu'un recours contre une décision administrative n'est pas suspensif.
La fin de l'exploitation pose aussi des problèmes, aujourd'hui en grande partie résolus par la garantie financière exigée des exploitants dont la responsabilité n'est pas dégagée avant remise en état des sols. À cet égard, on doit savoir qu'un propriétaire qui n'a jamais été exploitant n'a pas à assumer une éventuelle pollution. Les exploitants trouvent conseil et appui dans les organismes professionnels comme l'Unicem et sa filiale spécialisée Encem. On peut mentionner également (et modestement) la nouvelle rubrique de M&C "brèves de jurisprudence" confiée aux spécialistes du cabinet Huglo-Lepage.
Enfin, l'actualité met en valeur la notion de principe de précaution, incluse dans la Charte de l'Environnement, qui va figurer dans la Constitution. Cette notion, codifiée par la Loi Barnier après la Conférence de Rio, malgré la position réservée de l'Académie des Sciences, représente certes un danger pour les créations d'exploitations mais il ne faut pas en exagérer la portée. Il faut raison garder. Les besoins en matériaux et minéraux sont tels qu'ils doivent conduire à un compromis avec les impératifs de l'écologie.
Un travail de longue haleine
Philippe Gouze, fort de l'expérience de l'Unicem, sait bien que le problème de l'accès à la ressource se pose avec de plus en plus d'acuité au fur et à mesure de la complexification de la législation et de la sensibilisation des Pouvoirs Publics aux arguments de tous ceux, individuels ou associations bien structurées, qui s'opposent à l'ouverture d'une carrière dans leur voisinage. Il y a pour les futurs exploitants un travail de longue haleine à mener en amont, avec les riverains, les collectivités locales, les élus. La notion d'intérêt général doit être défendue, même si c'est parfois difficile, car il est vital qu'elle l'emporte sur la somme des intérêts particuliers, quelque estimables qu'ils puissent paraître. L'Unicem Midi-Pyrénées, en liaison avec des universitaires, travaille activement le problème afin que chacun prenne conscience de l'enjeu.
Jean Laguerre, à Thédirac