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Le mardi 16 octobre, 14 personnes ont participé à Bassens (33) à la visite de la centrale à béton prêt à l’emploi Garandeau qui a fourni le béton pour le nouveau pont de Bordeaux. Après l’accueil par Laurent Richaud, président de Garandeau, c’est Ann Potier Soucaret, gérante de la société Garandeau-bétons, qui a exposé avec entrain sa recherche d’un béton “gris clair avec des reflets blonds” demandé par l’architecte Thomas Lavigne.

 

Le nouveau pont Chaban-Delmas relie les quartiers Bacalan et Bastide, situés sur les deux rives de la Garonne à Bordeaux. La largeur du fleuve est de 400 m à la hauteur de ce pont. Celui-ci a une longueur totale de 433 m pour une largeur de 43 m et c’est le troisième pont urbain de Bordeaux : il permettra de rendre le pont d’Aquitaine à l’autoroute. Avec une ouverture prévue fin 2012, l’ouvrage accueillera quatre voies de circulation, plus deux voies de transport en commun en site propre (d’abord des bus, puis des tramways), et enfin deux passerelles de circulation pour piétons et cyclistes.

Son infrastructure a été étudiée pour un large passage sur le tablier, mais aussi en dessous, avec une passe navigable de 106 m. En effet, le port de Bordeaux accueille régulièrement de grands paquebots de croisière, qui pourront continuer à venir, grâce à la travée centrale du pont qui s’élève à 53 m.

Quatre pylônes de 77 m de haut permettent de lever cette travée centrale, longue de 117 m. Ces pylônes reposent sur des embases en béton, protégées par des îlots qui servent de “fusibles” et évitent aux embases le choc d’un bateau. Chaque embase supporte deux pylônes.

Les pylônes ont une section arrondie, de forme semi-lenticulaire. Ils sont creux et accueillent les mécanismes de levage du pont (contrepoids, câbles, rails de guidage), mais aussi un ascenseur et des escaliers hélicoïdaux en inox éclairés par des panneaux verriers.

Bordeaux étant un site classé, l’Unesco a demandé des modifications de hauteur pour les pylônes et des simplifications des lignes pour que le pont s’harmonise avec les façades classées du XVIIIe siècle dans le port de la Lune.

Un chantier au bord du fleuve

Deux estacades ont été montées pour la construction du pont, une sur chaque rive. Ces plates-formes ont permis aux camions d’approcher le chantier : elles ont été fondées sur des pieux de 30 m. Elles ont été démontées ensuite.

Les embases et les îlots de protection ont été construits en cale sèche, dans la forme de radoub du port, puis déplacés par flottaison. Ces éléments ont été remorqués sur le fleuve en tenant compte des marées qui remontent la Garonne et qui créent un marnage important, avec une différence de 5 à 6 mètres de hauteur d’eau entre la marée haute et la marée basse. Embases et îlots ont ensuite été échoués au fond de l’eau, à leur emplacement définitif, en perçant le fond des cuves pour les remplir d’eau.

Les embases sont des cuves ovales qui mesurent 44 m de long, 18 m de large, et 16 m de haut. Leur paroi est épaisse (45 cm) et leur franc-bord assez haut pour faciliter la flottaison malgré un poids de 5 750 t chacune.

Des pieux ont ensuite été coulés pour les embases : chacune est fondée sur 20 pieux de 1,6 m de diamètre, coulés en place dans des gaines métalliques et forés jusqu’à 22 m de profondeur dans le lit du fleuve.

Les îlots sont des cuves rondes, de 18 m de diamètre, avec un fond en nids d’abeilles. Après leur échouage, du béton immergé a été coulé en place dans ces nids d’abeilles. Les îlots sont séparés des embases par une distance de 7 m. Ils sont protégés par des gabions installés sous l’eau.

Dix formules spécifiques de béton

Les formules techniques des bétons ont été mises au point en partenariat entre Garandeau et GTM/Vinci, qui a été chargé de la réalisation du génie civil. Les formulations de béton spécifiques sont adaptées aux divers éléments de l’ouvrage.

Garandeau a présenté une solution toute intégrée, sans sous-traitant ni prestataire, ce qui a donné une garantie de fiabilité et de réactivité. De plus, le béton est constitué de granulats de proximité, ce qui a permis de limiter les impacts sur l’environnement liés au transport de matériaux et du béton prêt à l’emploi.

Lors de l’appel d’offres, des plaques d’essais pour les pylônes ont été présentées sur la base d’un “béton gris clair avec des reflets blonds”, se souvient Ann Potier Soucaret, qui est également responsable du BPE de Garandeau. Le mélange a été fait sur mesure et les échantillons ont été observés en extérieur, sous la pluie et au soleil. Le béton mouillé devient gris foncé. Garandeau a été retenu pour ce marché et il est le fournisseur exclusif du béton de l’ouvrage.

Pour la détermination finale de la couleur, un voile témoin a été coulé dès le début de la construction, puis laissé pendant six mois en extérieur avant son acceptation par le client.

Cependant, précise Ann Potier Soucaret, “la difficulté a été la mise au point de dix formules de béton pour ce pont”.

La formule majeure, c’est-à-dire la plus technique, est celle des pylônes, avec les contraintes de teinte. Le béton des pylônes est un C50/60, avec un rapport eau/ciment de 0,5 pour cet ouvrage d’art. Cependant, pour éviter tout litige ultérieur, Garandeau a préféré fournir un béton de résistance supérieure, située entre 75 et 80 MPa.

4 000 m3 de ce béton ont été préparés pour les quatre pylônes, et chacun d’eux comprend 1 000 m3 de béton. En effet, précise Ann Potier Soucaret, “lors des chantiers, la politique de Garandeau est de déclasser les bétons et d’en modifier l’usage pour optimiser les livraisons et ne pas laisser de toupies refusées partir en recyclage”. “Il y en a eu moins de dix pour ce chantier”, précise-t-elle.

Une deuxième formule a été mise au point pour les deux embases, supports des pylônes, et pour les quatre îlots de protection des embases. Ce béton est un C35/45, présentant une résistance à l’agressivité saline, puisqu’un peu d’eau de mer remonte jusqu’à Bordeaux à chaque marée. Il a aussi été utilisé pour leur fixation dans le lit du fleuve.

Les matériaux du béton

Garandeau est équipé d’un laboratoire central situé à Rancogne, en Charente, qui a participé à la mise au point des dix formules de béton. Ann Potier Soucaret précise à ce propos que “la recherche de ces formules est un travail d’orfèvre”.

La mise au point des formules du pont comprend :

• du sable 0/4 de Passirac, qui est un sable alluvionnaire de teinte jaune. Il s’agit d’un approvisionnement de proximité, par une carrière locale ;

• du 10/20 et du 4/10 (diorite) venant de la carrière de Genouillac. Cette roche éruptive dure donne une bonne résistance au béton ;

• un sable fillerisé fourni par Sibelco, qui amène des petites billes dans le 0/4 pauvre en fines. Ce sable 0/1 permet d’obtenir un béton compact ; il est présent dans toutes les formules du pont ;

• en complément, un filler calcaire sert à homogénéiser le béton et à obtenir un matériau lisse aux parois fermées.

Pour le ciment, les contraintes colorimétriques étaient importantes, de façon à obtenir une homogénéité des teintes. Des essais ont été réalisés avec des pastilles de ciment passées dans un colorimètre pour mesurer leur luminescence et déterminer les couleurs. Le choix s’est porté sur un ciment des Charentes, fourni par deux sociétés. Il y a régulièrement des prélèvements de ciment parce que le produit peut bouger.

Du métakaolin a été utilisé comme liant en remplacement d’un peu de ciment, avec la répartition suivante : 50 kg de métakaolin par mètre cube de béton. Ann Potier Soucaret précise que “le métakaolin ressemble à de la farine ou à du talc, en étant un peu plus jaune. Il permet d’obtenir un parement sans bulle d’air apparente, donc un béton très lisse, sans trous. Il apporte un avantage esthétique”.

Un engagement sur la qualité a été demandé à chaque fournisseur. Certains ont même dû réserver un stock de matériaux exclusivement destinés au pont pour assurer l’homogénéité de la construction, malgré les variations de gisements, et en particulier la linéarité colorimétrique.

Enfin, l’eau du béton était uniquement de l’eau claire du réseau, Garandeau n’ayant pas voulu prendre de risque d’utiliser de l’eau recyclée.

Les contraintes de fabrication

Chez Garandeau, 86 % des bétons du pont ont été fabriqués à Bassens (33), 10 % à Saint-Jean-d’Illac (une centrale de secours pour l’approvisionnement) et 4 % à Cavignac.

La durée d’utilisation du béton est de deux heures, mais le temps de transport à partir de Bassens vers la rive la plus proche du pont est de

15 mn seulement, ce qui a donné une marge de manœuvre importante sur le site pour organiser le travail.

Avant chaque départ de toupie, des éprouvettes ont été réalisées avec des cylindres en carton de 32 cm de haut, d’abord chez Garandeau, puis à l’arrivée par Vinci, pour anticiper tout litige avec ces prélèvements contradictoires. Les éprouvettes ont été gardées 28 jours dans des bassins à 20 °C. De plus, un essai par cône d’Abrams a permis de tester l’affaissement du béton et de déterminer la plage de consistance souhaitée pour sa mise en œuvre. La masse volumique du béton a aussi été vérifiée.

Deux pylônes ont été construits en été, et deux en hiver. Cela a posé le problème de la température extérieure pour la couleur du béton lors de la prise. Des essais de maturométrie ont été menés. Ils ont montré que le béton ne devait pas être préparé en dessous de 15 °C.

Pour cela, une chaudière a été installée sur la centrale à béton de Bassens. Elle a permis de fabriquer du béton chaud en hiver, mais aussi en été quand le temps s’est avéré trop frais pour la prise.

Les coulages pour les pylônes (formule de béton PMB 8) ont été faits à Bassens, mais il était possible de les préparer de Saint-Jean, pour assurer la livraison même en cas d’aléa technique. Les voiles extérieurs des pylônes sont courbes et dotés d’une épaisseur de 40 cm.

Les pylônes sont constitués de 76 coulages successifs de 50 m3 chacun, soit 19 coulées par pylône. Pour suivre le planning, il y a eu 6 à 7 coulages de nuit. Le laboratoire d’essai a été présent à chaque coulage. Le coulage du béton des pylônes, jusqu’à 77 m de hauteur, a été réalisé par une grue soulevant les bennes de béton, mais pas à la pompe.

“Le plus difficile, indique Ann Potier Soucaret, était la régularité. Il ne fallait pas livrer d’autre client en même temps, pas de produits colorants utilisés le même jour dans la centrale.” Lors des fabrications pour ce chantier, il a fallu beaucoup de préparation en amont, dont un lavage complet du malaxeur, des camions toupies, des citernes à ciment, pour la régularité de fabrication.

Ce sont 40 000 m3 de béton qui ont été coulés au total pour l’ouvrage.

Deux piles intermédiaires supportent les travées fixes qui sont installées entre la rive, la pile intermédiaire et les embases.

Le tablier métallique du pont a été construit en Italie par Cimolaï, près de Venise, ainsi que les deux travées fixes, puis ils ont été transportés par mer jusqu’à Bordeaux.

La machinerie a été fabriquée au Creusot par l’entreprise Egis-JMI. Un moteur est placé dans chaque embase du pont et lève la travée centrale grâce à deux treuils par moteur, 40 câbles et des contrepoids de 600 t en acier.

Un poste de commande permet d’actionner le pont à partir de la rive droite. Il faut 11 mn pour lever la travée centrale. Chaque fermeture du pont durera 2h30 à chaque passage de paquebot. Il y en a eu 28 en 2011 et 35 en 2012.

La durabilité du pont a été estimée à 100 ans, pour un coût total de 150 M€.

La centrale de Bassens

La centrale BPE de Bassens est située au nord de Bordeaux, à 5 km du nouveau pont par la rive droite. Elle a été rénovée en 2011 pour une meilleure gestion des eaux de surface (avec des pentes pour leur récupération), et un réaménagement des six cases de granulats. L’investissement a représenté un budget 600 000 € pour Garandeau bétons. Le nouveau génie civil permet de récupérer et de recycler 80 % des eaux usées.

Les excédents de béton sont également recyclés. L’unité de recyclage sépare liquide et solide. L’eau est dirigée vers les bassins de décantation, puis les boues de bassins sont redéposées en carrière. Les granulats ne sont pas encore recyclés, seulement utilisés comme grave 0/20 ou réintégrés dans les boues pour le retour en carrière.

La centrale à béton comporte six trémies à granulats, quatre silos à ciment et un pour le métakaolin. Un forage sur le site alimente une cuve d’eau, et le site est également raccordé à l’eau du réseau.

Le malaxeur est précédé par un tapis de pesage passant sous les trémies de stockage des matériaux. Ce malaxeur Liebherr, à axe vertical de 2 m3, a une capacité de production de 50 à 60 m3/h. “Il permet une bonne régularité de malaxage, précieuse pour les bétons visibles”, indique Ann Potier Soucaret.

Pour la fabrication des bétons du pont, une chaudière a été installée sur la centrale à béton. Elle permet de chauffer 6 000 à 7 000 litres d’eau par heure, avec 420 000 kcal, pour la fabrication des bétons à une température supérieure à 15°C.

 

Mireille Bouniol

Espace personnel

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