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mines & carrières 215 - juin 2014

 

Creusé à partir de 2000, le laboratoire souterrain de Meuse – Haute-Marne constitue un atout scientifique exceptionnel pour l’Andra. Il sert à observer et à mesurer les propriétés des argiles du Callovo-Oxfordien de 160 MA, et à mettre au point des techniques d’ingénierie, notamment en creusement et en soutènement. Deux visites techniques organisées par le district Est de la Sim ont donné l’occasion de visiter ce laboratoire souterrain.

Le district Est de la Sim a organisé deux journées de visite du laboratoire souterrain de recherche de l’Andra, à Bure (55). Elles ont eu lieu le 11 et le 15mars.
Après un exposé de M. Poirot, responsable de la communication à l’Andra et de ses collaboratrices sur la problématique de la gestion des déchets radioactifs de haute et moyenne activités à vie longue, une présentation a été faite des missions de l’Andra, du projet Cigéo1 suivie d’une formation sécurité en vue de la visite du fond. La visite s’est poursuivie l’après-midi dans les installations de surface (espace technologique, cartothèque, exposition sur la forêt) puis enfin au fond, à -490 m par groupes successifs.

Une première loi crée l’Andra

L’histoire de ce projet commence fin 1991 avec la loi du 30 décembre qui crée l’Andra en tant qu’établissement public. La loi charge l’Andra de conduire les études et les recherches sur le stockage réversible profond des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL). L’objectif est de choisir un site d’implantation et de concevoir un stockage qui, sous réserve de son autorisation, pourrait être mis en exploitation en 2025.
Dans ce but, l’Andra a étudié la géologie des départements français qui étaient candidats à l’implantation d’un laboratoire souterrain dédié à ces recherches.
Les investigations géologiques menées de 1994 à 1996, à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, ont confirmé l’intérêt d’une couche du Callovo-Oxfordien, stable et homogène, de faible perméabilité, située à environ 500 m de profondeur.
Après une enquête publique, l’Andra a reçu en 1999 l’autorisation de construire et d’exploiter un laboratoire souterrain dans la commune de Bure (Meuse). Depuis 2000, le laboratoire souterrain constitue un outil unique en France. Son réseau de galeries, situé à 490 m de profondeur, permet aux scientifiques d’observer et d’étudier directement – et en temps réel – le milieu géologique.
Les études conduites par l’Andra depuis la surface ou dans les galeries du laboratoire souterrain démontrent la faisabilité d’un stockage profond dans cette région de Meuse – Haute-Marne. Les résultats, transmis au gouvernement dans un rapport intitulé « Dossier 2005 », ont permis en particulier de délimiter une zone de 250 km2 autour du laboratoire souterrain, au sein de laquelle les caractéristiques de la roche susceptible d’accueillir les colis de déchets sont similaires à celles observées dans le laboratoire.

Une deuxième loi pour concrétiser le projet de stockage profond

En 2006, une loi relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs valide les résultats de l’Andra et retient le stockage profond comme solution de référence pour la gestion à long terme des déchets HA et MA-VL.

La loi de 2006 spécifie que le stockage profond sera réversible pendant une durée d’au moins 100 ans. À la suite de cette décision, l’Andra est chargée de poursuivre ses études scientifiques et techniques pour implanter et concevoir le stockage. Sa mise en service est prévue en 2025.

Une troisième loi sur la réversibilité

Une troisième loi, définissant les conditions de la réversibilité du stockage profond, sera votée avant l’autorisation de création du stockage prévue en 2015.

Concevoir un centre de stockage réversible permet de laisser aux générations futures le choix de modifier ou d’orienter le processus du stockage et notamment de retirer les colis stockés et de les entreposer si un autre mode de gestion était envisagé.

Un stockage profond pour quels déchets ?

Les réacteurs nucléaires fonctionnent grâce à du combustible constitué d’un assemblage d’uranium, parfois associé à du plutonium. Au fil du temps, ce combustible devient moins performant. Il est alors retiré du réacteur pour être recyclé à l’usine Areva de La Hague, dans la Manche. Les structures métalliques entourant ce combustible, dit “usé”, sont cisaillées en petits tronçons puis passées dans une solution chimique.

Ces débris métalliques (gaines, coques, embouts) constituent la grande majorité des déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL). Un traitement chimique permet ensuite de séparer les matières recyclables (uranium et plutonium) des résidus hautement radioactifs non réutilisables qui constituent la grande majorité des déchets de haute activité (HA). Ces déchets HA sont conditionnés dans du verre et de l’inox. Dans l’attente de la mise en service de Cigéo, ces déchets sont entreposés sur leur site de production (notamment à La Hague, mais aussi à Marcoule dans le Gard et à Cadarache, dans le Var).

Le projet Cigéo

Le principe du stockage repose sur les propriétés remarquables de la roche argileuse du Callovo-Oxfordien qui permettent de retarder et d’atténuer la migration des substances radioactives que contiennent les déchets HA et MA-VL, de sorte qu’à leur sortie, leur impact présente aussi peu de risques que celui de la radioactivité naturelle.

Cigéo est le projet français de centre de stockage profond de déchets radioactifs. Il est conçu pour stocker les déchets hautement radioactifs et à durée de vie longue produits par l’ensemble des installations nucléaires actuelles, jusqu’à leur démantèlement, et par le traitement des combustibles usés utilisés dans les centrales nucléaires. Cigéo est composé d’installations de surface, notamment pour accueillir et préparer les colis de déchets et pour réaliser les travaux de creusement et de construction des ouvrages souterrains.

À leur arrivée sur le centre, les colis de déchets de haute activité (HA) seront conditionnés un à un, dans des conteneurs en acier. Ceux-ci, placés dans une hotte de transport qui assurera la radioprotection du personnel, seront déposés les uns derrière les autres par un robot dans des alvéoles de stockage qui ressemblent à un tunnel.

Avant leur transfert dans les installations souterraines, les colis de déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) seront placés dans des conteneurs en béton, eux aussi placés dans une hotte de transport. Pour leur stockage, ils seront juxtaposés et empilés dans des alvéoles de stockage dédiées.
Les déchets seront stockés dans des installations souterraines, situées à environ 500 m de profondeur, dans une couche de roche argileuse imperméable choisie pour ses propriétés de confinement sur de très longues échelles de temps.

Cigéo est prévu pour être exploité pendant au moins 100 ans. Il est conçu pour être flexible au cours du temps afin de laisser aux générations futures un maximum de possibilités pour permettre des adaptations.Entré en phase préindustrielle en 2011, le projet Cigéo pourrait accueillir les premiers déchets en 2025 après une série de rendez-vous définis par la loi.

Les installations de surface

Elles seront réparties entre deux sites. Un premier, d’une superficie de l’ordre de 200 ha, sera situé à l’aplomb des installations souterraines. Il comprendra les ateliers industriels nécessaires à la construction du stockage, des bâtiments administratifs et une aire qui accueillera les déblais extraits lors du creusement progressif du centre. Un second site, éloigné de quelques kilomètres du premier, s’étendra sur 100 ha supplémentaires.

Il abritera principalement les installations nucléaires où les colis de déchets radioactifs seront contrôlés et conditionnés si nécessaire dans des conteneurs avant d’être transférés dans le stockage. Ce site comportera également une aire de stockage des déblais provenant du creusement de la descenderie.

Les installations de liaison

Elles relieront les installations de surface aux installations souterraines. Elles sont nécessaires pour les déplacements du personnel, le transfert des conteneurs de stockage et des engins de chantier. Elles servent aussi à la ventilation des installations souterraines.

Les installations souterraines

Elles se développeront au fur et à mesure de l’exploitation, pour atteindre une surface totale proche de 15 km2 à l’issue de la période d’exploitation qui durera une centaine d’années. Situées à environ 500 m de profondeur, elles se composeront de zones de stockage pour les différents déchets, de galeries de liaison et d’installations techniques.

Les installations souterraines du laboratoire sont composées :
– de deux puits de 5 et 4 m de diamètre utile creusés jusqu’à 490 m de profondeur qui assurent la liaison entre les installations souterraines et la surface ;
– d’une galerie expérimentale longue de 41 m dans la partie supérieure de la couche d’argilites, à 445 m pour des observations et des mesures ;
– d’un réseau de galeries situé à -490 m, au milieu de la couche de roche argileuse où sont réalisées différentes expériences.

Les expérimentations scientifiques

Installées depuis 2004 au sein des galeries du laboratoire, les expérimentations souterraines permettent aux scientifiques d’acquérir des informations sur les propriétés de la roche et de savoir comment elle réagira à la construction des installations et au stockage des déchets radioactifs.

Tester les capacités de confinement de la roche

Pour garantir que l’impact des déchets radioactifs sur l’homme et l’environnement sera au moins inférieur à un dixième de l’impact de la radioactivité naturelle, les scientifiques étudient à grande échelle les capacités de confinement de la couche de roche argileuse.

Ces expérimentations in situ portent notamment sur les mouvements de l’eau dans la roche, l’étude de la composition chimique de cette eau, et sur des essais de diffusion avec des traceurs. Les mesures obtenues confirment celles réalisées à plus petite échelle dans d’autres laboratoires.

Évaluer la réaction de la roche lors de son creusement

Lors du creusement de la roche, des fractures peuvent apparaître à proximité de la zone creusée. Il se crée alors une zone endommagée dont l’importance et l’extension dépendent de différents facteurs comme la profondeur de l’ouvrage creusé, ses dimensions ou encore les caractéristiques mécaniques de la roche. De très nombreuses expérimentations et mesures dans le laboratoire permettent de mieux connaître le comportement de la roche et de prévoir l’évolution du massif rocheux et des fractures créées par le creusement.
Les résultats révèlent cette caractéristique remarquable que possède la roche argileuse de s’autocolmater progressivement, grâce au gonflement d’une partie des minéraux qu’elle contient.

Connaître les effets de la chaleur sur la roche

Certains déchets radioactifs émettent de la chaleur qui diminue au fil du temps. Lorsque les colis de déchets radioactifs seront stockés en profondeur, ils entraîneront une élévation de la température de la roche. Pour représenter cet effet, des sondes chauffantes sont placées dans la roche pour, d’une part, reproduire un échauffement similaire à celui qui serait produit par les colis de déchets et, d’autre part, pour analyser le comportement de la roche et les éventuelles modifications de ses propriétés. Les études montrent qu’en dessous de 100 °C la roche ne perd pas ses capacités de confinement. Le nombre de colis de déchets par alvéole, les dimensions des alvéoles et leur espacement sont donc calculés pour répartir la charge thermique afin qu’elle soit toujours inférieure à 100 °C.

En quoi consistent les reconnaissances géologiques ?

L’Andra utilise trois moyens d’études :
– des relevés cartographiques qui contribuent à la connaissance géologique du site ;
– des forages qui permettent d’obtenir une description en une dimension du sous-sol et de prélever des échantillons de roches et de fluides pour étudier les différentes couches qui sont empilées les unes sur les autres ;
– la sismique 2D ou 3D qui permet aux géologues d’obtenir de véritables échographies du sous-sol. Son principe est simple : des camions vibrateurs envoient des ondes sismiques le long de trajets prédéfinis. Des géophones enregistrent ces ondes pour mesurer le temps qu’une onde réfléchie sur une couche géologique met à se déplacer entre l’émetteur et le récepteur.
En déplaçant l’émetteur et le récepteur, les géologues parviennent à construire une image en volume du sous-sol et des couches géologiques. Des hypothèses sont ensuite émises sur les vitesses de propagation des ondes dans les différentes couches pour établir une image en profondeur qui permettra de réaliser des coupes géologiques de terrain et construire un modèle en 3D de celui-ci.

Le programme expérimental en chiffres

Au premier trimestre 2010, le programme expérimental2 faisait état de :
– 378 forages réalisés en surface et dans les galeries souterraines ;
– 3 100 capteurs installés dans la roche ;
– 30 km de roche sous forme de carottes ;
– 39 000 échantillons de roche prélevés ;
– 31 000 photos réalisées ;
– 900 m de galeries.

L’espace technologique et les études industrielles

Situé sur la commune de Saudron (Haute-Marne), l’espace technologique est destiné à faire découvrir au public le projet Cigéo, à travers une exposition de maquettes et de prototypes industriels réalisés par l’Andra.

Ces études industrielles définissent les solutions techniques qui seront utilisées pour la construction, l’exploitation et la fermeture du stockage : colis de déchets, bâtiments, équipements de conditionnement, conteneurs et alvéoles de stockage, procédés de transfert, de manutention des colis et de fermeture du stockage. Afin de tester ces différentes solutions, l’Andra réalise des maquettes, des prototypes et des essais technologiques (creusement, fermeture…) en surface et dans les galeries souterraines du laboratoire.
Deux types de prototypes ont été réalisés :
– des conteneurs de stockage en béton pour les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) ;
– des machines qui ont servi à tester des dispositifs de manutention des conteneurs de déchets de haute activité (HA).

L’observatoire pérenne de l’environnement

En 2007, l’Andra a mis en place un observatoire capable de décrire précisément l’environnement avant et après la construction de Cigéo, et d’en suivre l’évolution pendant au moins un siècle. Cet observatoire pérenne de l’environnement étudie simultanément tous les milieux de l’environnement : l’eau, l’air, les sols, la flore, la faune et, bien sûr, l’homme. Son originalité repose sur la durée de son étude d’au moins 100 ans, son territoire d’observation étendu (900 km2) et son champ d’action très large.

En ce sens, son rôle ira bien au-delà des obligations réglementaires imposées aux installations industrielles pour mesurer leur impact. Il visera à :
– établir un état des lieux de l’environnement représentatif ;
– connaître précisément l’impact du futur stockage.

Une écothèque pour garantir la traçabilité des échantillons

Une écothèque, construite à partir de 2012 à proximité du laboratoire souterrain, conserve à long terme tous les échantillons prélevés dans le cadre de l’observatoire (sols, champignons, lichens, céréales, lait, fromages…).
Elle garantit la traçabilité de ces échantillons et offre la possibilité d’effectuer de nouvelles mesures environnementales si le besoin se présente3.

Dernier aménagement du calendrier et du projet

Ce projet d’intérêt général a conduit l’Andra à adopter, en réponse aux questions posées lors du débat public, un nouveau calendrier comprenant un plan directeur révisable pour l’exploitation du stockage tous les 10 ans, et d’introduire une demande d’autorisation en deux temps, 2015 et 2017. L’Andra propose également de créer une phase industrielle pilote. Ces aménagements encouragés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) permettent à l’Andra de renforcer le débat public sans remettre en cause le travail engagé. Autre aspect issu du débat public : les déchets sont acheminés en train et par funiculaire. En effet, tous les colis devraient arriver depuis la Hague, Marcoule, Cadarache, sur le site, en train et sans rupture de charge.

Les infrastructures commencent à être construites en perspective de Cigéo. Une nouvelle voie ferroviaire devrait être créée vers le stockage depuis Gondrecourt-le-Château pour le relier au réseau ferré national. Les colis seront alors acheminés par funiculaire au fond.

 

1. Centre industriel de stockage géologique. C’est le projet français de centre de stockage profond de déchets radioactifs. Il est conçu pour stocker les déchets hautement radioactifs et à durée de vie longue issus du retraitement des combustibles usés de l’ensemble des installations nucléaires françaises actuelles, jusqu’à leur démantèlement.

2. Les chiffres ont été arrondis.

3. Communication : les visites sont ouvertes au public sous réserve d’en faire préalablement la demande au service communication de l’Andra.


Bernard Thevenon, Milko Haddad,
district Est de la Sim

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