Un calcaire pour les soudières

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mines & carrières 181 - mai 2011

 

Le 20 avril dernier, 34 personnes ont participé à la visite des carrières de calcaire, organisée par le district Est de la Sim. Le calcaire est essentiel pour la production des carbonates et des bicarbonates de sodium. Il est extrait dans la Meuse, en Lorraine, à partir de deux puissants gisements de calcaire rauracien du Jurassique supérieur. L’un de ces gisements est exploité par Novacarb, l’autre par Solvay. Ils sont distants de quelques kilomètres seulement.

 

La carrière Novacarb de Pagny-sur-Meuse s’étend sur 150 hectares et comprend une découverte de 28 mètres avant un calcaire très pur dont la puissance du gisement est de 75 mètres. Elle est exploitée sur une largeur de 500 mètres, avec 25 mètres d’avancée par an en moyenne (voir aussi le n° 143 de Mines & Carrières, juillet 2007).

“Nous extrayons le calcaire pour différents usages, comme le bâtiment (verre), l’agro-alimentaire (poudres levantes), l’agriculture (amendements agricoles)”, indique Hervé Van Troost, le directeur d’exploitation de Novacarb. La société Novacarb est le quatrième producteur européen de carbonate de soude.

À Pagny, ce sont 225 tirs qui sont réalisés par an pour le calcaire, sans compter la découverte. Deux concasseurs débitent 1 000 tonnes/heure : la granulométrie 0/30 est retraitée et la granulométrie 30/200 est destinée aux fours à chaux.

Le but des exploitants de Pagny est de minimiser le taux de fines dans le calcaire tendre du massif. En effet, ces fines ont tendance à colmater le four de cuisson de la chaux, et ne sont donc pas utilisables dans l’usine. Pour cela, les techniques d’abattage des matériaux ont été modifiées, avec des unités mobiles de fabrication sur site d’explosifs (UMFE). Ainsi, le mélange comburant et combustible est fait sur site, directement au bord du trou de foration.

Les tirs classiques par explosifs créaient 35 % de fines. Avec les tirs par UMFE, le taux de fines a baissé de 3 %. En effet, les forations sont plus petites (diamètre 92 mm au lieu de 115 mm auparavant) et la maille de tir est un peu plus grande, puisqu’elle est passée de 5 à 6 mètres (voir aussi le n° 175 de Mines & Carrières, novembre 2010). La profondeur de foration est de 15 à 22 mètres.

Une base arrière pour les UMFE

La fabrication sur site de l’explosif par les unités mobiles a incité Novacarb et EPC-France à conclure un partenariat, avec la mise à disposition par Novacarb, sur le site de la carrière, d’une base qui permet le chargement des camions UMFE, c’est-à-dire un hangar dédié. En effet, aucun explosif n’est stocké sur place, même sur le camion, et les produits sont conservés séparément dans leurs cuves respectives situées sur la base arrière d’EPC-France. La logistique est également assurée à partir de cette base, qui comprend un bureau avec une liaison Internet pour la gestion des stocks. Les unités mobiles sont chargées directement à partir des réserves de la base, dont le nitrate, grâce à des tuyaux qui se connectent aux camions. Une chaudière permet de maintenir la température de l’un des produits, la matrice, qui est stockée en cuves à l’extérieur du bâtiment et dont la température ne doit varier qu’entre 15 et 25?°C.

Les UMFE améliorent la sécurité des tirs : le stockage et le transport d’explosif sont limités aux détonateurs, les risques d’accident pendant la mise en œuvre ou les opérations d’extraction des matériaux sont très diminués. Le risque de détournement ou de vol est également réduit. De plus, les produits pris séparément ont une faible sensibilité aux chocs et à la friction.

Les conditions de travail sont également améliorées par la mécanisation des opérations de chargement des forages, avec une baisse de la manipulation de produits dangereux et une très forte diminution des ports de charges : c’est le camion qui porte les produits, l’opérateur guide seulement la canule dont le manchon est léger pour les utilisateurs.

Les tirs par UMFE imposent de prévoir un accès avec le camion, et donc de repenser les plans de tir pour leur optimisation.

Deux principales technologies sont utilisées : une poudre versable, mais qui ne résiste pas à l’eau ou un produit pompable dense et qui résiste à l’eau. Sur ce site, EPC-France dispose de deux unités mobiles dont une poudre versable (nitrate/fioul).

Une carrière au calcaire très pur

À Saint-Germain-sur-Meuse, Solvay exploite un gisement exceptionnel en pureté : le calcaire y contient de 98 à 99 % de carbonate de calcium (CaCO3). Le gisement présente une puissance de 70 mètres en trois fronts, après une découverte de 50 mètres. Les terres de découverture servent pour le réaménagement du site.

L’abattage du calcaire est réalisé à l’explosif, avec des trous de diamètres 105 à 127 mm, répartis sur un maillage de 5 mètres x 5 mètres. Le front du haut, plus dur, est plutôt abattu en hiver, tandis que le font du bas, plus tendre, est utilisé en été quand le temps est sec. Les matériaux sont chargés sur des tombereaux rigides qui les amènent vers la trémie de réception du poste primaire.

La fosse de concassage est enterrée à 26 mètres de profondeur, pour que les camions descendent en charge des pistes vers le niveau 0, au pied des fronts de taille. Ils remontent ensuite à vide.

Fosse de concassage R B 1983

Creusée dans la roche, dont 20 mètres dans la nappe phréatique, cette fosse a été conçue au début des années 1980 par Michel Siméon. Son projet impressionnant comportait un terrassement difficile de 26 mètres, dans la roche et sous la nappe. Le génie civil imposait des murs épais de 1 mètre à 1,50 m, et un cubage de béton de 5 000 m3, avec 560 tonnes de fer.

La fosse porte une plaque, dédicacée R B 1983. En effet, raconte Milko Haddad, chef d’exploitation de la carrière de Saint-Germain-sur-Meuse, “le projet a été défendu par Raymond Becker face à la direction de Solvay, à Bruxelles. C’est en remerciement de son intervention que la fosse lui a été dédicacée et porte ses initiales, ainsi que la date de construction.”

Les matériaux abattus comprennent des blocs jusqu’à 2 m x 1,60 m. Un précriblage permet de faire passer vers le fond de la fosse le calcaire à la bonne dimension. Un concasseur primaire à mâchoires Dragon réduit les matériaux, qui sont à nouveau criblés avant un deuxième concasseur secondaire, à double cylindre denté de diamètre 1,25 m et de largeur 1,60 m.

Au fond de la fosse, le produit 0/200 est récupéré par un convoyeur de 150 mètres de long qui le remonte vers les cribles. En effet, l’usine Solvay ne prend que la coupure 50/200 mm pour les fours à chaux.

Crible de 28 m2

La granulométrie 0/50 est réalisée sur un crible de 28 m2 à 3 étages (dimensions du crible : 3 m x 8,50 m). Il comprend quatre lignes d’arbres balourdés qui remontent les matériaux malgré la pente et il sépare différentes coupures : 0/5, 5/15, 15/50. Un bypass à l’entrée du crible secondaire permet d’obtenir un 0/50 destiné à un cimentier.

Le criblage secondaire pour le calcaire, de granulométrie inférieure à 50 mm, concerne environ 35 à 40 % du calcaire abattu. L’ensemble du calcaire abattu est ainsi valorisé, même les fines.

Chaque année, 1,5 million de tonnes de calcaire sont extraites de la carrière de Saint-Germain-sur-Meuse, dont 950 000 tonnes sont destinées à l’usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe.

Le calcaire destiné à l’usine (50/200) est stocké dans un bâtiment haut de 25 mètres, long de 45 mètres, et large de 12 mètres. Il constitue une trémie de stockage de 5 000 tonnes, située à cheval sur la voie ferrée. Le calcaire est versé directement dans les wagons, en deux lignes. Ce sont neuf trains de

2 100 tonnes qui sont expédiés chaque semaine vers l’usine, située à 70 kilomètres de la carrière.

Sur la carrière, 19 personnes sont employées, réparties en deux postes de 7 heures.

Des impacts atténués

Dans la carrière, tous les matériaux déplacés sont valorisés, sauf la découverte, qui sert au réaménagement du site, selon un plan précis comprenant des reboisages tous les ans. De plus, des efforts sont faits pour atténuer les impacts, en bruits, poussières, salissures, et vibrations.

“L’exploitation de la découverte est une demi-activité, indique Milko Haddad, puisque des merlons de protection sont constitués au fur et à mesure, répartis sur chaque niveau de la carrière. Ils servent à protéger l’environnement.”

Pour les bruits, l’effort porte à la fois sur les engins, avec la suppression des klaxons de recul la nuit et leur remplacement par des flashs, et sur les bâtiments, qui sont fermés par des bardages. De plus, les installations sont dotées d’habillages en caoutchouc pour les zones de chargement du calcaire.

Un calfeutrement de la trémie de chargement des trains est à l’étude, avec la mise en place d’un bardage bois absorbant. Pour limiter les émissions de bruits, priorité est donnée aux trains de l’après-midi. Devant la fosse de concassage du calcaire, un merlon est en cours de construction pour réduire le bruit et masquer l’installation.

Les poussières sont limitées par un arrosage automatique de la plateforme et un arrosage des pistes en périodes sèches. Une goulotte automatique a été montée sur un transporteur à bande. De plus, un merlon est en construction sur toute la longueur de la piste de découverte.

Les salissures de la voie publique ont été supprimées par l’installation d’une station de lavage pour les roues des camions : tous les camions doivent passer en station de lavage avant leur sortie du site. En complément, ils sont obligatoirement bâchés et le nettoyage de la route est effectué par citerne et balayeuse.

Les vibrations sont mesurées régulièrement, selon une campagne réglementaire de mesures lors des tirs de mine. Un diagnostic est en cours sur les vibrations à basses fréquences pour une identification des sources parmi les installations. Des actions d’amélioration seront mises en œuvre par la suite.

Des plantations sont réalisées en continu pour les surfaces remblayées et les zones réaménagées, en collaboration avec l’ONF.

 

Mireille Bouniol

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